samedi 15 novembre 2008

Rouge

L’encre rouge s’échappe de mon stylo comme le sang d’une plaie ouverte.

Elle tranche avec le blanc de la feuille, elle s’y enfonce profondément. Sans violence, mais de façon définitive, indélébile.
C’est le rouge sanction, le rouge couperet, celui que je m’oblige à apposer sur les copies, celui que les élèves attendent, celui auquel ils sont habitués depuis leur plus tendre enfance. Car ils l’attendent, le verdict. La note. Je me dois de répondre à leur attente. Je dois évaluer, jauger, juger. J’ai signé cette sorte de contrat avec eux et il me faut l’honorer.
Que cette exigence me pèse ! Mes élèves sont comme formatés, programmés pour être jugés. Cette encre rouge, pourtant fortement connotée, non seulement ils l’acceptent, mais ils la désirent ardemment. Souvent, je m’interroge sur ce décalage, sur ce fossé qui se creuse entre eux et moi. Que signifie au juste ce rouge sur leur copie ? Pas seulement une note, pas seulement une observation. Un besoin de reconnaissance ? La preuve que leur prose est lue et entendue ? Qu’ils ne se donnent pas du mal pour rien ? Je ne sais… peut-être pour toutes ces raisons à la fois…

L’encre rouge a coulé sur mes doigts. Elle s’infiltre dans ma chair comme le doute dans mon esprit.

2 commentaires:

Phèdrienne a dit…

L'être humain est docile, servile, malléable, il faut sans cesse lui apprendre à être libre, à revendiquer un moi, ça s'apprend auprès des gens qui doutent, comme toi....
Amitiés Laurence

Laurence a dit…

Alors, je vais continuer à douter...
Merci !