mardi 30 juin 2009

Matin




Petit matin moite, lourd comme un ciel d’orage
Furieuse envie de légèreté

Petit matin brumeux, chargé de menace et de silence
Terrible envie d’évasion

Petit matin chagrin, pesant comme un fardeau
Violente envie de chasser la nuit

Doucement, la fenêtre grand ouverte, tu écoutes la ville frissonner
Lentement, tu humes la fragrance âcre de l’asphalte
Patiemment, tu laisses ton corps lourd de sommeil sortir de sa torpeur

Tu regardes sans les voir les lève-tôt qui déambulent
Tu les entends fouler le bitume déjà tiède et brillant
Passants soucieux, passants tranquilles

Une divine odeur de café vient chatouiller tes narines
Elle s’échappe de l’estaminet un peu plus loin
Délicatement, elle vient secouer tes pensées

Matin citadin, matin d’été
Matin promesse, matin fardeau,
Matin qui s’accroche à toi, avec sa traîne de lambeaux de nuit

Qu’en feras-tu ? Tu ne le sais
Dans le ciel tourmenté ton regard se perd
À travers les nuages denses se meurent tes pourquoi

Petit matin moite, lourd comme un ciel d’orage
Furieuse envie de légèreté

mardi 9 juin 2009

La porte

Une porte close, sans poignée, sans serrure. Une porte lourde, massive et étroite au milieu d’un mur nu, triste et rugueux. Cette porte et ce mur dans une pièce aveugle et noire. Il est oppressé, son souffle est court, sa poitrine est douloureuse. Il voudrait savoir. Que fait-il dans cette pièce ? Comment est-il entré ici ? Est-il seul ? Il a longé les murs de cette pièce des dizaines de fois sans rencontrer d’obstacles, hormis cette porte qui ne se ferme ni ne s’ouvre. Il voit la nuit, il sent la peur, ses doigts saignent à cause du mur rêche qu’il interroge inlassablement. Il est angoissé mais pas paniqué. Il arrive à réfléchir, péniblement. Des images se croisent dans sa tête, sans logique apparente, il ne parvient pas à les fixer. Il se les repasse en boucle, ces images. Il voudrait en chasser certaines, en garder d’autres, mais celles dont il ne veut pas reviennent sans cesse. Elles jouent avec lui, une espèce de jeu sadique. Elles jouent avec ses nerfs, avec sa peur, avec sa vie. Il ne maîtrise rien, se laisse porter par ce flot malsain, sans doute pour se protéger. Mais se protéger de quoi ? de qui ? Il n’en sait rien, il ne sait plus rien. Il ne voit plus, il n’entend plus que le silence et son souffle, il sent la poussière, il a le goût du sang dans la bouche, le sang de ses mains blessées, le sang de ses mains vivantes. Elles lui prouvent qu’il est vivant. S’il souffre, c’est qu’il est vivant. Il est rassuré d’être vivant. Mais vivant pour qui ? pour quoi ? Que fait-il dans cette pièce inconnue ? Elle ne lui rappelle rien. Rien du tout. Il ne se souvient pas d’y être entré un jour. De toute façon, comment peut-on pénétrer dans une pièce dont la porte n’a ni serrure ni clé ? Une porte muette et inutile. Une porte qui suppose autre chose, un ailleurs, une autre vie, une porte à secret. Qu’y a-t-il donc derrière cette porte ? Le savoir le tranquilliserait-il ? Pas sûr. Et si cette porte s’ouvrait sur le néant, sur le vide, sur rien ? Et si elle n’était là que pour l’amener à se questionner ? à ne pas devenir fou ? à le devenir ? Alors il s’interroge. Confusément. Derrière cette porte, tout est possible. La lumière comme l’obscurité, une voie large comme un tunnel étroit, tout ou rien… Que veut-il trouver ? Que s’attend-il à trouver ? Il l’ignore. Ses idées se fracassent sur cette porte comme des insectes sur un pare-brise. À peine nées, elles disparaissent. Debout contre cette porte, le nez écrasé contre elle dans une sorte de corps à corps sordide, il se met à pleurer. Des larmes au goût amer, des larmes de honte, des larmes de sang. Il pleure doucement, pour que ça dure longtemps. De ses yeux s'échappent les larmes, de son corps s’enfuit la douleur, de son cœur s’évade son angoisse. Doucement, sans à-coups, petit à petit. Longtemps, longtemps, longtemps…

Il ouvre les yeux : ils sont secs, son cœur bat posément, il se sent bien. Il caresse le velours de la feuille posée devant lui. Elle est son amie à présent, elle est prête à recevoir ses confidences. Il n’a plus peur.

mardi 2 juin 2009

La faute à qui ?

Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire
Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau…


Ce besoin de désigner un coupable, un responsable, un bouc émissaire a toujours existé. Imputer la faute à l’autre, à son alter ego, ce n’est pas si simple. Alors aujourd’hui, nous avons trouvé la parade pour faire ou ne rien faire, au choix. Elle est pratique, facile à utiliser, concrète et conceptuelle en même temps. Si tout va mal, c’est la faute à… la CRISE, bien sûr ! Elle est si responsable de tout que les majuscules s’imposent. Merci qui ? Merci la crise, du fond du cœur, pour tout ce qu’elle fait pour nous ! Grâce à elle, nous pouvons tout justifier sans peine et sans honte. Formidable, vraiment. Usons et abusons de cette excuse, que dis-je, de cette aubaine ! Car quand la crise s’en ira, qu’adviendra-t-il de nous ? Je l’entends déjà se marrer, la crise...