dimanche 30 novembre 2008

Chevauchée fantastique

Devant mes yeux étonnés surgit tout à coup un être bizarre, l’air hagard et grimaçant.
Maculé de boue, le visage prisonnier d’un heaume des Temps modernes, cramponné au guidon de son terrible engin, il avance péniblement en zigzaguant, visiblement épuisé. L’homme et la machine ne font plus qu’un, soudés l’un à l’autre, pour la vie. Avec l’énergie du désespoir, il pédale machinalement, les jambes recouvertes d’une épaisse couche de terre noirâtre, tout comme le reste de son corps : dos, torse, fesses, bras, mains, visage, aucune parcelle de son individu n’a été épargnée par la gadoue. Bien difficile de définir la couleur de ses vêtements, de son vélo et même de sa peau : seul le bleu azur de ses yeux semble avoir échappé à cet assaut fangeux.
Tandis que l’étrange cavalier s’efface discrètement et que je le regarde s’éloigner inexorablement, un essaim d’acolytes déboule à présent : tout aussi noirs et méconnaissables que mon coureur solitaire, avec la hargne en plus, avec la hardiesse du peloton. C’est à croire que le grégarisme leur donne des ailes, à ces vététistes fantastiques !
Le chemin a retrouvé son calme mais les traces laissées par les pneus témoignent de l’invasion dont il vient d’être victime. Je lève le nez, renonce à compter les nuages puis reprends ma marche tranquille ; je suis prête moi aussi à patauger dans la gadoue, la gadoue, la gadoue…, à renouer un dialogue avec l’authentique, la matière palpable et à retomber en enfance : un plaisir vrai !

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